Métamorphosé à coups de centaines de millions de dollars depuis les années 1990, le quartier Saint-Roch se dégrade à la vitesse grand V depuis quelques années. La situation continue d’empirer, comme le déplorent des résidents, des commerçants et de nombreux élus.
«Il y a beaucoup de souffrance», souffle Éric Boulay, directeur général de Lauberivière, dont la clientèle augmente de 7 à 15% chaque année, et ce, depuis 2017. «Trois personnes sur quatre qui frappent à nos portes le font pour une première fois, dit-il. La solution est complexe et passe par la prévention au sens large du terme, au niveau de la santé mentale et globale.»
Il faut un accès rapide à des soins en santé mentale et là-dessus, la situation s’est grandement détériorée, souligne M. Boulay. «Je suis content de ce qu’on fait, à Lauberivière, et heureusement qu’on est là, mais on travaille à contre-courant d’une société.»
Éric Boulay fait remarquer que «quand on aperçoit une personne en détresse physique, on l’emmène tout de suite en ambulance à l’hôpital pour qu’il reçoive des soins. Alors pourquoi quand il est question de santé mentale, on attend? Ça n’a pas de sens».
Plywood City
«Il ne faudrait pas se retrouver encore avec Plywood City», martèle Claude Villeneuve, chef de l’opposition à l’Hôtel de Ville de Québec. Il fait référence au décor d’autrefois, avant le retrait du toit du Mail Saint-Roch par Jean-Paul L’Allier.
Signe que ça va mal, lorsqu’il arpente la rue Saint-Joseph, de la rue Saint-Dominique au boulevard Langelier, M. Villeneuve dénombre pas moins de 18 locaux commerciaux vides, et plusieurs d’entre eux sont placardés.
«Est-ce qu’on investit aux bonnes places? Il y a plusieurs organismes, mais il n’y a pas de plan d’ensemble, déplore-t-il. Il faut donner des services pour sortir les gens de la rue, pas pour les y maintenir.»
Pour ajouter à la décrépitude dans le secteur, l’élu pointe aussi les nombreux chantiers abandonnés dans le quartier, comme celui d’un hôtel qui n’a jamais vu le jour, plombé par des hypothèques légales, au coin Charest et Du Pont. Lors d’une balade dans le secteur en compagnie de M. Villeneuve, nous y avons retrouvé des seringues souillées. L’odeur ambiante est pestilentielle à plusieurs endroits.
Les commerçants et résidents sont désireux d’avoir un bon comportement envers les gens qui vivent de l’itinérance, constate M. Villeneuve, mais le problème empire et ils ont l’impression que trop peu de solutions sont mises de l’avant.
Napoléon Woo, propriétaire du restaurant Wok’n’roll, vit depuis 65 ans dans le quartier Saint-Roch. «Je n’ai jamais vu ça de même. Même durant la guerre des motards, ce n’était pas comme ça», dit celui dont le restaurant s’est fait vandaliser à trois reprises depuis l’hiver.
Le commerçant croit que la Ville utilise mal les sommes qu’elle reçoit du gouvernement et il estime qu’il est urgent que d’autres solutions soient mises en place. «Il faudrait plus d’actions concrètes pour aider ces gens-là [qui vivent l’itinérance].»
Annonces à venir
Le sujet a de nouveau rebondi au conseil municipal de Québec, mardi. Questionné par les partis d’opposition, le maire a fait valoir que la Ville avait pris ses responsabilités. Il a créé beaucoup d’attentes durant la campagne électorale de 2021 en parlant d’itinérance zéro.
Il avait rajusté le tir l’an dernier, lors du Sommet sur l’itinérance, en évoquant des objectifs à plus long terme.
En prévision de l’hiver, le CIUSSS doit d’ailleurs présenter des mesures à la fin du mois, a fait savoir le maire. Il rencontrera aussi bientôt les commerçants en compagnie du ministre Lionel Carmant et du directeur du CIUSSS, afin de faire le point sur la situation.
«On travaille sur des projets avec M. Carmant, on en annoncera dans quelques semaines», a-t-il promis, ajoutant qu’il est bien conscient qu’il faut en faire plus, devant la problématique qui empire. Les attentes sont grandes.