OTTAWA | Ceux qui pensaient à une mauvaise blague lorsque Donald Trump parlait d’annexer le Canada doivent se raviser.
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Le monde vu par Trump n’a rien d’un conte de fées.
Ses visées expansionnistes sont bien réelles. Dans un long et touffu point de presse, hier, il n’a pas écarté l’idée d’annexer par la force le Groenland, qui appartient au Danemark, et le canal de Panama, sous contrôle du pays du même nom.
Pas l’armée
Pour le Canada, il a exclu d’envoyer l’armée. La « force économique » nous fera plier.
Ceux qui pensaient que Donald Trump serait satisfait d’un meilleur contrôle à notre propre frontière avec les Américains devront aussi se raviser.
Le plan d’un milliard présenté par Ottawa pour freiner le commerce illégal de fentanyl, le crime organisé et les migrants n’a rien changé de l’humeur du président.
Trump, qui sera assermenté dans moins de deux semaines, rêve ni plus ni moins d’abolir cette ligne qu’il considère comme « artificielle » entre nos deux pays.
Pour se justifier, Donald Trump dit ne pas avoir besoin de nous, de nos « voitures », de nos « produits laitiers », de notre « bois d’œuvre », de tout ce qui fait en bonne partie rouler notre économie.
Dans sa tête, nous vivons à ses crochets en profitant de sa protection militaire sans rien offrir en retour.
« On n’a besoin de rien du tout de leur part », a-t-il lancé.
Évidemment, son discours est truffé d’incohérences.
Le Canada n’exporte pas de produits laitiers aux États-Unis.
De plus, les Américains bénéficient massivement de notre énergie bon marché, comme le pétrole et le gaz naturel, et de nos minéraux critiques (voir encadré ci-contre).
Reste que Donald Trump met le doigt là où ça fait mal pour le Canada, qui vit, il est vrai, sous la protection militaire des États-Unis.
« Nous dépensons des centaines de milliards par an pour prendre soin du Canada », a-t-il souligné.
Il exagère, mais n’a pas complètement tort.
Position de faiblesse
Le Canada se retrouve humilié à la face du monde dans une période de vive turbulence créée par la démission de Justin Trudeau lundi.
Pendant des mois, le gouvernement fédéral fonctionnera au ralenti. Le Parlement est fermé jusqu’au 24 mars ; suivront des élections générales et l’arrivée d’un nouveau régime qui mettra des semaines à prendre ses aises.
Qui parlera au nom du Canada durant tout ce temps ?
Justin Trudeau ? Pierre Poilievre ? Doug Ford ? François Legault ? Des candidats à la direction du Parti libéral du Canada ? Toutes ces réponses ?
Hier, l’affront était trop grave pour laisser passer, même si la réaction du premier ministre Trudeau s’est faite timide.
« Jamais, au grand jamais, le Canada fera partie des États-Unis », a-t-il mentionné dans une publication sur X.
« Les travailleurs et les communautés de nos deux pays bénéficient qu’on soit l’un pour l’autre le plus grand partenaire commercial et en matière de sécurité. »
Encore souverains
Pierre Poilievre a quant à lui promis de reconstruire l’armée canadienne et de reprendre le contrôle des frontières, y compris celle de l’Arctique.
Il y aura fort à faire.
Ce ne sont pas que les libéraux qui se sont rendus coupables de sous-investissements en défense. Les gouvernements conservateurs passés n’ont pas fait mieux.
Équilibrer le budget comme le promet Poilievre tout en investissant massivement dans notre défense exigera d’énormes sacrifices.
Au bout du compte, ce sera aux Canadiens de choisir les priorités de leur gouvernement, puisqu’aux dernières nouvelles, ils sont encore souverains.
On aime dire que le Canada et les États-Unis sont les meilleurs amis du monde.
Avec ce genre d’ami, sous Trump, on n’a pas besoin d’ennemis.
QUAND LES ÉTATS-UNIS DÉPENDENT DU CANADA
Le Canada est le plus important fournisseur étranger d’uranium des États-Unis. Il est aussi le premier exportateur d’hydrocarbures et de certains minéraux stratégiques.
Voici les plus importants produits canadiens dont les États-Unis dépendent.
Hydrocarbures
- 99 % du gaz naturel importé aux États-Unis
- 50 % du pétrole brut importé
Énergie nucléaire
- 27 % de l’uranium servant aux réacteurs nucléaires américains
Minéraux critiques
- 64 % du zinc importé par les États-Unis
- 40 % du nickel
– Mathieu-Robert Sauvé, Le Journal de Montréal
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