Les grandes équipes du Canadien d’autrefois reviennent dans l’actualité depuis quelque temps. En ces années difficiles pour le Tricolore, l’effet est thérapeutique pour les amateurs ayant connu cette belle époque.
En août dernier, Serge Savard a réuni les 16 membres survivants des éditions championnes de 1975-1976 à 1978-1979, à l’occasion du tournoi de golf de la fondation portant son nom. Une somme record de 1 537 000$ a été amassée au profit des étudiants-athlètes de l’Université de Sherbrooke, bénéficiaires de cet évènement annuel.
Il y avait beaucoup d’émotion dans l’air au club de golf Le Mirage, qui est la propriété d’un groupe de gens d’affaires dont Savard fait partie. Les retrouvailles de cette journée ont été telles que Savard a donné le mandat à son organisateur Richard Beaudry, d’Ovation médias, de publier un livre format table à café, comme on dit dans le monde de l’édition, remémorant ces années glorieuses.
C’était en septembre et Savard voulait que l’œuvre se retrouve sur le marché dans les plus brefs délais.
C’est fait.
Le plaisir de jouer
Il y avait du monde au lancement qui s’est tenu au restaurant 9-4-10, au Centre Bell. L’ambiance était festive, comme c’est toujours le cas lorsque les anciens de l’époque dorée du Canadien se retrouvent. Les liens qui les unissent sont pour la vie.
Les moins jeunes comprennent. Les bonnes équipes étaient comme une monarchie. Les joueurs jouaient longtemps ensemble. Il existait bien un marché des joueurs autonomes, mais ce n’était pas comme aujourd’hui. Les joueurs ne partaient pas à droite et à gauche et, à Montréal, on avait la chance de voir la crème des joueurs québécois.
On ne reverra plus jamais ça et c’est bien dommage, même s’il faut être de son temps. Que les jeunes générations se pâment pour le Canadien d’aujourd’hui, c’est bien. On est ailleurs, les temps ont changé.
Mais les joueurs d’autrefois vous diront que les joueurs actuels n’éprouvent pas le plaisir qu’ils ont eu à pratiquer leur métier. Les salaires avaient commencé à monter dans les années 1970, mais les gars jouaient au hockey au sens propre du terme. Ils formaient une bande de joyeux lurons, chose que l’on ne ressent pas quand on entre dans le vestiaire aujourd’hui.
Huit coupes en 12 ans
Le livre mis de l’avant par Savard et son ami Beaudry s’intitule La plus grande dynastie, période qui s’échelonne entre les saisons 1967-1968 et 1978-1979. Montréal a été le témoin de huit défilés de la Coupe Stanley au cours de ces 12 années.
Les deux premières saisons coïncident avec la fin de ce que Jean Béliveau appelait la dynastie oubliée. Entre la série de cinq championnats consécutifs durant la deuxième moitié des années 1950 et celle de quatre conquêtes d’affilée durant la seconde moitié des années 1970, la coupe est revenue à Montréal quatre fois en cinq ans, soit en 1965, 1966, 1968 et 1969.
Savard a contribué aux deux derniers de ces quatre championnats, tout comme son grand complice de toujours Jacques Lemaire avec qui il avait commencé à jouer avec le Canadien junior.
Le «Big Three»... et demi
Lors du lancement, j’ai conversé avec Pierre Bouchard et Yvon Lambert, qui, sans être dominants, ont fait leur part dans les succès du Canadien, ces années-là. Les gens s’identifiaient.
Bouchard fait montre du même humour qui le caractérisait comme joueur quand il fait référence à son implication au sein de ces équipes.
«C’était le “Big Three” et demi, lance-t-il.
«Il y avait Serge, Pointu (Guy Lapointe) et Larry (Robinson). Moi, j’étais la demie.»
Pierre avait l’habitude de dire pendant sa carrière que lorsque «tu es assis près de la porte du vestiaire, c’est que tu es à la veille d’être sorti de la chambre».
«C’était ma façon d’apporter de la légèreté, dit-il.
«Au lieu de me plaindre de mon temps de jeu limité, je tournais ça à la blague. Il m’est arrivé, bien sûr, de traverser des périodes difficiles. Mais on gagnait tout le temps.
«J’aurais pu aller jouer à Québec lorsque les Nordiques ont vu le jour dans l’Association mondiale. Je gagnais 90 000$ avec le Canadien et les Nordiques m’en offraient 115 000$. Mais on m’aurait demandé de me battre tout le temps à Québec.
«À Montréal, en plus de mon salaire avec le Canadien, je touchais 25 000$ de mon association avec le restaurant qui appartenait à notre famille. Ce n’était pas l’argent que les athlètes gagnent maintenant, mais je vivais bien.
«J’ai réfléchi à l’offre des Nordiques. Mais mon agent, qui était Alan Eagleson, me disait: “Vont-ils te payer jusqu’à la fin?” L’Association mondiale, c’était nouveau et certaines équipes opéraient au jour le jour. Il faut dire aussi qu’Eagleson était pas mal acoquiné avec la Ligue nationale.»
Acoquiné est le bon mot.
«N’empêche, j’ai connu de belles années avec le Canadien, ajoute Butch. Ça ne s’oublie pas.»
De malheureux à privilégié
Lambert s’est pour sa part amené avec l’organisation du Tricolore via celle des Red Wings de Detroit, qui l’avait repêché au 40e rang en 1970. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il avait mal accepté la nouvelle.
«J’étais le gars le plus malheureux du monde! s’exclame-t-il.
«Gordie Howe et Alex Delvecchio (qui ont joué 25 et 23 ans avec les Red Wings) vieillissaient et on m’avait dit après ma première saison à Port Huron (Ligue internationale), où on avait remporté la Coupe Turner, qu’on avait des plans pour moi la saison suivante.
«Je suis allé en vacances en Floride, et à mon retour, j’ai appris par le Montréal-Matin que j’avais été échangé au Canadien. Je me suis dit: “Bonne chance, mon gars!” J’avais 21 ans et je ne croyais pas en mes chances de jouer avec le Canadien.»
Lambert a disputé deux saisons avec les Voyageurs de la Nouvelle-Écosse. À sa première année, les jeunes qui formaient la relève du grand club ont remporté la Coupe Calder sous la tutelle d’Al MacNeil. À sa deuxième saison, Lambert termina en tête des marqueurs de la Ligue américaine avec une fiche de 52 buts et autant de mentions d’aide en 76 rencontres.
Il s’en est suivi une belle carrière de neuf ans avec le Canadien. En 1979, Lambert marqua en prolongation le but qui permit au Canadien d’éliminer les Bruins dans une demi-finale chaudement disputée. C’était le fameux match où Guy Lafleur avait inscrit le but égalisateur, alors que les Bruins avaient été pénalisés pour avoir eu trop de joueurs sur la glace.
Ce but, Lambert le célèbre encore, disent ses amis!
«Aujourd’hui, tout ce que j’ai, c’est grâce au Canadien», conclut Lambert avec une reconnaissance bien sentie.