La première fois que Trump a déclaré que le Canada devrait devenir le 51e État des États-Unis, j’ai eu la même réaction que vous.
Je me suis dit qu’il blaguait.
«Une autre vanne du Grand Orange.»
Eh bien non.
Le bonhomme est sérieux.
Il pense vraiment que les Canadiens (et les Québécois) se porteraient mieux s’ils chantaient The Star-Spangled Banner le matin en se levant.
Ben coudonc.
UNE CULTURE AUX SOINS INTENSIFS
J’imagine que vous vous êtes dit la même chose que moi lorsque vous avez pris connaissance du message que Trump a publié sur son réseau social quelques minutes après que Justin a annoncé sa démission.
«Devenir américain? Jamais! Je ne suis pas Elvis Gratton, moi! Je ne me promène pas en Speedo étoilé! Je ne trouve pas que les Amaricains, ils l’ont, l’affaire! Je tiens à ma différence! À ma langue! À ma culture!»
Ah oui?
Il y a quelques jours, le journaliste Jean-Hugues Roy (un ancien collègue du journal Voir) a signé un texte très intéressant dans La Presse.
Il a demandé à l’ADISQ de lui fournir le palmarès des 10 000 chansons les plus écoutées au Québec sur les différentes plateformes musicales: Spotify, Apple Music, YouTube Audio, Slacker, etc.
Puis il a calculé quel pourcentage de ces chansons était des chansons de chez nous.
Résultat: en 2024, on retrouve seulement 782 chansons québécoises (622 en français et 160 dans d’autres langues) parmi les 10 000 qui ont été les plus écoutées au Québec.
«La proportion d’artistes québécois dans ce déluge d’octets musicaux n’a jamais été aussi faible, écrit-il. En avril 2024, les musiciens du Québec ont représenté à peine 6,1% des écoutes totales, un plancher historique depuis que les données sont compilées. Quand on prend les pourcentages hebdomadaires et qu’on les reporte sur un graphique, il se lit comme l’électrocardiogramme d’un patient aux soins intensifs.»
Savez-vous quel est le jour où l’on écoute le plus de chansons québécoises?
Eh oui. À la Saint-Jean.
Ce jour-là, on se rappelle soudainement qu’on est québécois.
«Gilles Vigneault est-il mort? Non? Alors allons le chercher et demandons-lui de chanter une de ses tounes! Ferland aussi! Ah, il est mort? Prenons Raymond Lévesque, alors! Il est mort aussi? Fuck...»
Le reste du temps, on écoute surtout de la musique américaine.
Comme Elvis Gratton.
GOD IS AN AMERICAN
Au Québec, on se dit écolo.
Alors que l’auto la plus vendue est le camion Ford F-150.
Idem pour la culture.
Nous disons que nous avons notre culture à cœur, mais à quelques exceptions près, nous n’allons pas voir nos films et n’écoutons pas nos chansons.
Et quand je vais au théâtre, je vois plus de têtes blanches qu’à une réunion de la Société Saint-Jean-Baptiste.
La réalité est que nous sommes de plus en plus américains dans nos têtes.
Politiquement, nous n’appartenons pas (encore) aux États-Unis. Mais culturellement, oui.
«Vivre en ce pays, c’est comme vivre aux États-Unis», chantait Charlebois en 1973.
Cinquante-deux ans plus tard, c’est encore plus vrai.
Fou, Trump? Ridicule?
Non. Juste prophétique.