La démission de Justin Trudeau, annoncée cette semaine, marque le début d’une nouvelle ère politique pour le Canada. La montée en puissance du Parti conservateur du Canada (PCC) dirigé par Pierre Poilievre semble annoncer un gouvernement majoritaire, avec des projections qui lui attribuent plus de 200 sièges.
Toutefois, une proportion négligeable de ces sièges proviendrait du Québec, ce qui signifie que la victoire des conservateurs se concrétisera probablement sans le soutien significatif de la province francophone.
Au regard des années Harper, cette dynamique politique est lourde de sens. Une question cruciale se pose alors pour le Québec: comment se préparer aux années Poilievre?
Apprendre du passé
Avec des projections électorales qui favorisent largement les conservateurs de Pierre Poilievre, il est probable que ce dernier accède au pouvoir sans même avoir besoin du soutien du Québec. Cette dynamique, que l’on a déjà observée sous le gouvernement de Stephen Harper, risque de marginaliser les revendications québécoises.
De 2006 à 2015, Harper avait démontré une approche minimaliste envers la province, se contentant de gestes symboliques comme la reconnaissance de la nation québécoise en 2006, mais évitant de s’attaquer aux enjeux de fond, qu’il s’agisse du financement de la culture ou du respect des compétences provinciales. Le Québec pourrait donc, une fois encore, se retrouver à l’écart des priorités d’un gouvernement conservateur maintenant majoritaire dans l’ensemble du pays.
Ce phénomène met en lumière une réalité frustrante: l’alternance incessante entre le Parti libéral et le Parti conservateur au Canada laisse peu de place à une vision à long terme pour le Québec. Sous les libéraux, le Québec perd du terrain sur les enjeux de son autonomie culturelle et linguistique, avec une ingérence (en matière de santé par exemple) digne de la vision centralisatrice de la dynastie des Trudeau.
Lorsque les conservateurs reprennent les rênes, remettant en cause des politiques clés et imposant des priorités souvent éloignées des réalités québécoises, le Québec perd du terrain sur le financement de projets structurants, notamment sur la transition énergétique (et ainsi sur son intégrité territoriale) et les transports en commun. Avec la députation possible du PCC, tout porte à croire que les enjeux culturels et linguistiques du Québec ne seront pas plus mis de l’avant. Le cycle semble condamné à se répéter, alimentant un sentiment de stagnation et de frustration chez les citoyens québécois.
Se préparer aux années Pierre Poilievre
Avec la démission de Justin Trudeau et les élections à venir, il est temps de réfléchir aux stratégies à adopter pour naviguer dans les années à venir sous Poilievre. Cela inclut de renforcer le poids du Québec sur la scène fédérale, mais aussi de pousser pour une plus grande autonomie afin de limiter les effets de ces oscillations politiques.
Si le passé est indicatif de l’avenir, il serait imprudent de compter sur un gouvernement conservateur pour tenir compte des priorités québécoises. Seules des initiatives audacieuses permettront de briser ce cycle et de garantir une place digne au Québec à l’intérieur, ou à l’extérieur, du Canada de demain.
Alexis St-Maurice
M. Sc. Science politique (2018 – 2020, Université de Montréal)
Alumni du Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique (CÉCD)