Bilan emploi 2024: «On est dans un marché du travail moins vigoureux», selon Desjardins

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«On n’est vraiment plus dans une situation de pénurie généralisée de main-d’œuvre», estime l’économiste principale de Desjardins. Alors que Montréal accueille près de 60% des nouveaux arrivants et que la croissance de la population a frôlé les 2,3% cette année au Québec, l’emploi n’a pas suivi, avec un timide bond de 0,5%.

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«On est dans un marché du travail moins vigoureux qui ne génère pas suffisamment d’emplois pour absorber la croissance de la population, observe en entrevue au Journal Florence Jean-Jacobs, économiste principale de Desjardins. L’année [2024] est marquée par ce déséquilibre», ajoute-t-elle.

«Le Québec fait quand même mieux que le reste du pays, avec un chômage ici de 5,7% en octobre. C’est un point de moins qu’en Ontario, à 6,8%», nuance-t-elle.

Pour ce qui est de novembre, le taux de chômage a atteint les 5,9% (+0,2% par rapport à octobre), selon l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.

Deux fois plus de visiteurs se sont pointés au salon de l’emploi de L’Événement Carrières au jour 1 cette année.

Florence Jean-Jacobs, économiste principale, Desjardins Photo fournie par DESJARDINS

Plus de pénurie généralisée

D’après Florence Jean-Jacobs, «la pénurie généralisée n’est plus là». Il y a eu des pertes d’emploi importantes en hébergement, en détail et en restauration.

«Ce sont des secteurs dans lesquels les gens coupent en période de ralentissement économique quand ils sont serrés dans leur budget», illustre-t-elle.

En revanche, en construction, la demande surpasse toujours l’offre en raison des besoins de logements résidentiels et en infrastructures publiques et privées.

«Il y avait 2,8% de postes vacants en septembre au Québec. C’était autour de 6% en juin 2022. Il y a vraiment eu un contraste important», mentionne-t-elle.

Relâchement du marché

Pour Emna Braham, PDG de l’Institut du Québec (IDQ), il y a un relâchement du marché du travail qui avait commencé en 2023 et qui s’est poursuivi en 2024.

«Les employeurs sont un petit peu moins gourmands pour embaucher. Les travailleurs disponibles sont plus nombreux. On a vu le taux de chômage augmenter», analyse-t-elle.

Deux fois plus de visiteurs se sont pointés au salon de l’emploi de L’Événement Carrières au jour 1 cette année.

Emna Braham, directrice générale de l’Institut du Québec (IDQ), salue l'apport des TET, mais pense que nos PME doivent aussi miser sur l'innovation pour propulser leur croissance. Photo fournie par INSTITUT DU QUÉBEC

Comme Le Journal l’a écrit cette année, ce sont surtout les jeunes et les immigrants qui sont touchés par les affres du chômage.

«D’habitude, dans les ralentissements économiques, on a des mises à pied. Ce que l’on voit maintenant, ce sont plutôt des jeunes et des immigrants qui ont eu plus de difficultés à se trouver un premier emploi», note Emna Braham de l’IDQ.

Les nouvelles limitations aux travailleurs étrangers temporaires ont fait couler beaucoup d’encre en 2024, alors que des manufacturières ont tiré à boulets rouges contre le fédéral, qui vient les priver d’eux au pire moment. Des fermetures d’usines et des déménagements ont même été envisagés par des patrons à bout de patience.

Deux fois plus de visiteurs se sont pointés au salon de l’emploi de L’Événement Carrières au jour 1 cette année.

Le ministre de l’Immigration Marc Miller et le ministre de l’Emploi Randy Boissonnault ont annoncé récemment une réduction du nombre de visas pour les étudiants et les travailleurs temporaires, à Ottawa. Photo ANNE-CAROLINE DESPLANQUES

Formations accélérées

Au Journal, Marc Leclerc, directeur général de l’Union des opérateurs de machinerie lourde de la FTQ, dénonce les formations accélérées en construction.

«Les entrepreneurs ont été frileux d’embaucher ces finissants. La machinerie vaut souvent plus d’un demi-million de dollars. Ils ont hésité à leur laisser», soutient-il.

Deux fois plus de visiteurs se sont pointés au salon de l’emploi de L’Événement Carrières au jour 1 cette année.

Marc Leclerc, directeur général de l’Union des opérateurs de machinerie lourde de la FTQ Photo fournie par FTQ

«Ça n’a pas réglé le problème des entrepreneurs ni des pénuries de main-d’œuvre», dénonce-t-il.

Plutôt que d’écourter la formation, le syndicaliste pense même qu’il faut les rallonger.

«Il y en a qui sont allés là de bon cœur. On ne leur a pas donné les outils», conclut-il.

1) Deux fois plus de chômage chez les jeunes et les immigrants

En 2024, Le Journal a pu constater à quel point les jeunes diplômés et les nouveaux immigrants étaient touchés par le chômage. En août dernier, ces derniers avaient des taux de chômage de 14,5% et 12,3%, soit le double du taux national au Québec, à 5,7%. Le taux de 14,5% chez les 15 à 24 ans était le plus élevé depuis 2012 (excluant la pandémie), selon Statistique Canada. «On a de jeunes professionnels qui sont sortis de l’université ou du cégep le printemps dernier et qui n’ont toujours pas d’emploi», partageait Cathy Lepage, directrice générale au Carrefour jeunesse-emploi Roussillon.

2) Des programmes de 300 M$ sans indicateurs

Ces deniers mois, Le Journal a révélé que Québec ne saura jamais si ses cursus-vedettes de retour à l’emploi, qui ont coûté près de 300 M$ de fonds publics, ont porté leurs fruits ou non. À l’époque, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) avait comparé l’administration de ces programmes à l’interne comme un véritable «bar ouvert». «C’est inquiétant de voir que le gouvernement n’apprend pas de ses erreurs et va poursuivre sur la même voie avec les formations dans le domaine des métiers de la construction», avait alerté le président général du SFPQ, Christian Daigle.

3) Difficile de trouver un emploi pour les garçons

L’été dernier, des données de Statistique Canada montraient que les jeunes hommes (15-24 ans) ont plus de difficultés à trouver un emploi que les jeunes femmes de pareil âge. Le taux de chômage est de 12,4% pour les hommes, contre 9,8% pour les femmes. Simon Savard, directeur adjoint et économiste principal à l’IDQ, observait que dans l’histoire, cela n’avait pas toujours été le cas. «Dans les dernières années, on a vu une croissance de l’emploi assez importante dans le secteur public et dans la santé, notamment, et les femmes sont plus représentées», dit-il.

4) Des emplois menacés par l’intelligence artificielle

Plus de 4,7 millions d’emplois, soit une profession sur quatre au pays, sont à risque d’être remplacés par l’intelligence artificielle d’ici 2030, comme le rapportait Le Journal à la mi-juillet. Le travail de bureau, le juridique, l’architecture et le génie, les sciences de la vie, les affaires, les services sociaux, la gestion, les ventes... beaucoup de secteurs seront exposés à l’automatisation, selon Goldman Sachs. Des acteurs du milieu de la musique, du cinéma, de l’humour et de la publicité s’en inquiètent. Au sein d’une filiale de TV5, on a supprimé une trentaine de postes à cause du boom technologique.

5) Des Québécois changent de boulot pour l’argent

En avril dernier, un sondage révélait que 68% des Québécois avaient peur de perdre leur argent si une récession survenait. Un autre coup de sonde montrait que 20% de ceux qui changent de boulot le font pour l’argent. Ces derniers mois, Le Journal a raconté plusieurs histoires de travailleurs contraints de se trouver plus d’un emploi pour boucler leur fin de mois. Même avec un bon salaire, beaucoup décident de trouver un second revenu. Une mère de trois jeunes enfants nous a raconté avoir passé les ciseaux dans ses cartes de crédit pour sortir la dette hors de l’eau.

6) Des emplois à risque dans le jeu vidéo

Les baisses annoncées de plusieurs crédits d’impôt québécois vont faire mal aux bons emplois dans le jeu vidéo, le cinéma et la télé, au point où certains craignent que le Québec se fasse damer le pion par l’Ontario avec ses juteux incitatifs fiscaux. Dans le domaine vidéoludique, les petits studios perdront 46% et 68% de leurs crédits d’impôt d’ici quatre ans, dénonce La Guilde du jeu vidéo du Québec. En cinéma et télévision, l’industrie pourrait devoir se saigner de 67% des effectifs, soit de 5400 emplois, selon le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec.

Chiffres clés de 2024
  • Taux de chômage: 5,3% en moyenne (entre janvier et octobre 2024) (4,5% en 2023)
  • Emplois créés: +24 000 emplois (entre janvier et octobre 2024) (+19 800 entre janvier 2023 et janvier 2024)
  • Temps plein: +58 600 (entre janvier et octobre 2024) (+200 entre janvier 2023 et janvier 2024)
  • Temps partiel: -34 500 (entre janvier et octobre 2024) (+19 600 entre janvier 2023 et janvier 2024)

(Source: Statistique Canada et Institut du Québec)

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