Un juge a voulu lancer un «message clair» aux propriétaires en condamnant un homme de Longueuil et en lui soutirant «de ses poches» 26 000$ pour avoir évincé «illégalement» sa locataire de 87 ans.
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«La seule façon d’arrêter ce genre de transaction néfaste pour les locataires est que le Tribunal envoie un message clair et sans équivoque que ça ne se fait pas», écrit le magistrat Marc C. Forest, du Tribunal administratif du logement (TAL).
Dans son jugement rendu à la fin du mois de septembre, on apprend que le proprio, Ednel Michel, aurait utilisé un subterfuge pour se débarrasser de sa locataire Claudette Perreault Lévesque. Cette dame de 87 ans a habité dans son appartement de la rue Nielsen, à Longueuil, durant trois décennies.
Ednel Michel a toutefois chamboulé sa vie en lui annonçant la reprise de son logement en 2023. Ce propriétaire de 42 ans a prétexté que sa propre mère allait y habiter, dorénavant.
«Le 2 avril, alors que la locataire a quitté, elle revient au logement pour constater qu’il y a une affiche mentionnant que le logement est à louer. C’est à ce moment qu’elle apprend que la mère du locateur ne viendra pas. [...] Il s’agit donc pour le Tribunal d’une reprise de logement illégale», peut-on lire dans le document juridique.
Il double le prix
Le Longueuillois a tenté d’expliquer au TAL que sa mère avait finalement changé ses plans en déménageant plutôt au Nouveau-Brunswick, mais ses arguments ont été balayés du revers de la main par la cour.
«Le Tribunal ne le croit pas et il doit passer un message clair que ce genre d’arrangement pour reprendre possession d’un logement dans le but d’augmenter son loyer pour générer plus de profit, ça ne doit pas être acceptable», conclut Marc C. Forest.
Ce dernier a donc condamné Ednel Michel à verser 26 000$ en dommages-intérêts punitifs à Claudette Perreault Lévesque. Notons que le proprio a doublé le prix du loyer en expulsant illégalement cette locataire. En effet, celui-ci est passé de 580$ à 1150$ par mois après son départ.
Angoisses et harcèlement
Chantal Lévesque, fille de la locataire de 87 ans, affirme au Journal que sa mère a vécu de grandes angoisses et de l’insomnie en étant obligée de perdre son appartement des 30 dernières années.
«On a dû la placer dans une résidence privée quatre fois plus chère, même si elle est encore autonome. Ç’a été beaucoup de harcèlement de la part du proprio, qui voulait lui augmenter son loyer avant de l’expulser aussi. Ce n’était vraiment pas le fun», soupire Mme Lévesque.
Ednel Michel assure en entrevue avec notre représentant qu’il n’a pas menti à propos de la reprise du logement. Il songe même à faire appel du jugement. «Je reconnais tout de même ma part de responsabilité là-dedans», laisse tomber le quarantenaire.
CE QU’ILS ONT DIT
- «Il n’y a aucun doute pour le Tribunal que la mère du locateur n’a jamais eu l’intention de s’installer et que tout ce scénario a été monté dans le seul but que la locataire quitte et qu’il puisse augmenter le coût du loyer.» - Marc C. Forest, juge au TAL
- «Il faut jouer dans les poches de ceux qui s’enrichissent avec ce genre d’arrangement non conforme.» - Marc C. Forest, juge au TAL
- «Ç’a été l’enfer pour ma mère. On a vécu une période assez difficile. Elle ne mangeait plus et ne dormait plus. Elle a 87 ans, mais elle est encore autonome. Elle aurait pu rester dans son logement encore plusieurs années.» - Chantal Lévesque, fille de la locataire expulsée
- «Je ne savais pas que je devais dire à la locataire que ma mère n'habiterait pas dans l’appartement tout de suite, finalement.» - Ednel Michel
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