Fitz ne sera jamais devenu un politicien

L’homme d’affaires Pierre Fitzgibbon, devenu ministre, nous a habitués à livrer le fond de sa pensée, brutalement, crûment, exactement comme on conseille de ne pas faire en politique. C'est ce qui a fait de lui un personnage singulier. Aimé des uns, détesté des autres, généralement respecté. 

Les attachés de presse de la CAQ avaient préparé des lignes officielles? Voilà un papier que l’ami Fitzgibbon ne traînait pas sur lui. Pas de notes en main, il s'adressait aux médias pour nommer les choses telles qu’il les voyait, en pleine maîtrise de ses dossiers, mais parfois avec un manque de pensée stratégique.

Il ne s'ennuiera pas des journalistes en quittant la politique. Son devoir de côtoyer la presse l'exaspérait. Il les prenait parfois de haut, cela n’aidait rien. Par contre, il sera peut-être surpris d'apprendre que plusieurs bons journalistes vont s'ennuyer de Pierre Fitzgibbon. Il ne leur est pas donné souvent de croiser un ministre qui réponde directement et franchement aux questions.

À regarder Pierre Fitzgibbon agir dans les dossiers de développement économique, avec son complice fédéral François-Philippe Champagne, on avait l'impression de deux commissaires industriels. Loin de toute partisanerie, main dans la main, ces deux-là ont travaillé à développer l'économie, notamment la filière batterie. Des élus à la recherche de résultats.

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Quel bilan?

Que nous laisse Pierre Fitzgibbon au moment où il quitte à mi-mandat? Disons que le Québec a recommencé à accueillir des investissements au cours des dernières années, après deux décennies de vaches maigres. Il faudra minimalement mettre ça dans le compte de ses succès.

Il s'est donné pour mission de remettre Hydro-Québec sur les rails. L’embauche de Michael Sabia constitue un bon coup. Hydro connaissait des ratés, autant sur le plan fiabilité qu’en matière de planification des besoins. Ce travail restera cependant incomplet, son projet de loi devant être adopté au cours des prochains mois.

Finalement, son plus gros legs devrait potentiellement être la filière batterie. Il est trop tôt aujourd'hui pour affirmer que la filière batterie sera une merveille, un succès correct ou un échec. C’est plutôt dans 10 ou même 20 ans qu’on saura si ces investissements auront rempli les attentes élevées en matière de retombées.

Qui prendra la place?

Pierre Fitzgibbon laisse un trou béant dans le conseil des ministres de François Legault. Sa connaissance des industries, des transactions et des stratégies d'entreprises n’est pas courante. Le seul qui ait la carrure d'épaule pour le remplacer, c'est Christian Dubé, un ancien de la Caisse de dépôt.

Mais François Legault a-t-il vraiment le goût de créer un vide dans le dossier le plus critique, la santé? D’autres ministres comme André Lamontagne sont issus du monde des affaires. On ne voudra jamais les asseoir dans le siège du «superministre». Logiquement, on devra diviser les tâches qu’il cumulait.

Nous garderons le souvenir d'un ministre assez spécial. Je suppose que la commissaire à l'éthique en gardera elle aussi un souvenir impérissable, elle qui l'a blâmé trois fois en six enquêtes. Elle a, à chaque occasion, rencontré un Pierre Fitzgibbon bien peu coopératif. Son intérêt politique aurait été de faire des courbettes à la commissaire. Au contraire, il s'en foutait éperdument, montrant peu de respect pour l'institution. Une erreur.

À chaque fois, François Legault rongeait son frein. Que voulez-vous, il avait accepté Fitz dans son équipe avec les conditions d’un mariage... pour le meilleur et pour le pire!