Ex-choix de 1er tour et défenseur des Canadiens de Montréal, David Wilkie a développé un œil averti pour évaluer des gardiens de but en tirant des rondelles sur Patrick Roy sous la supervision du pionnier François Allaire, à l’époque.
C’est cet œil qui a recruté en 2019 un Tchèque longiligne et outrageusement athlétique du nom de Jakub Dobes qui évoluait dans le AAA à St. Louis. C’est ce même œil qui voit aujourd’hui en Dobes le futur gardien no 1 des Canadiens de Montréal.
«J’aime beaucoup Jacob Fowler, a précisé celui qui s’autoproclame gourou des gardiens de but après avoir repéré des diamants bruts à cette position, mais je crois que Dobes sera éventuellement le gardien partant à Montréal.»
Wilkie, ancien entraîneur-chef des Lancers d’Omaha, a dirigé Dobes lors de ses deux saisons dans la USHL, incluant l’année de son repêchage en 2020.
«C’est un futur no 1 dans la LNH. 100%.»Il a regardé fièrement, du début à la fin, les deux premiers matchs de son ancien poulain dans la LNH. Le ton monocorde qu’il employait en discutant des performances incroyables de Dobes à ses débuts dans le circuit a laissé dubitatif l’auteur de ces lignes. C’est comme s’il n’était pas surpris.
«Il est gros. Il est athlétique. Comme [Dominik] Hasek, il est capable de faire les arrêts qu’il n’est pas censé faire. J’ai toujours vu son potentiel», a justifié Wilkie.
Ce potentiel, il n’a pas toujours été si clair pour quiconque ne traînait pas dans l’entourage des Lancers d’Omaha en 2020.
Riendeau a vu clair
S’il est si bon que ça, Dobes, comment le CH a-t-il pu attendre au cinquième tour, au 136e rang au total, pour le réclamer au repêchage de 2020?
«C’est un vol de Montréal au cinquième tour, a d’abord lancé Wilkie. Dobes a appris de dures leçons cette saison-là, c’est pourquoi il a glissé. Mais il aurait pu dans le pire des cas être choisi au deuxième ou troisième tour.»
Ici, il faut donner énormément de crédit au dépisteur des gardiens de but du CH Vincent Riendeau. Parce que pour bien cerner le potentiel de Dobes en 2019-2020, il fallait voir l’arbre qui cache la forêt. Et c’était loin d’être évident.
Dobes a été retiré par son entraîneur pendant 10 matchs consécutifs cette saison-là. Imaginez. Riendeau était dans les estrades lors de plusieurs de ces rencontres, confirme d’ailleurs notre intervenant.
«Dobes n’avait aucune constance, s’est souvenu Wilkie. Il devait gagner en maturité et apprendre à mieux gérer les échecs. Il a bien amorcé la saison et il s’est mis à concéder beaucoup de mauvais buts et à se laisser abattre. Il tombait rapidement dans une spirale négative.
«Honnêtement, il m’a fait ch***. Mais lui aussi, il était en maudit. Sauf qu’on en parlait. Il comprenait que je voulais qu’il soit meilleur.»
Dobes a eu une sorte d’illumination vers la fin de la saison. Et il n’a plus jamais regardé derrière.
«Il y a eu un point de bascule. Il a commencé à comprendre. Il est devenu plus fort mentalement», a raconté Wilkie.
L’image d’un Dobes immature et facilement ébranlable est très difficile à réconcilier avec celle du gardien que l’on a pu observer lors de ses deux premiers départs dans l’uniforme bleu, blanc et rouge. Sonné deux fois plutôt qu'une par un joueur de l'Avalanche du Colorado, Dobes a affiché un calme olympien qui lui a même valu des comparaisons éhontées avec Carey Price.
«C’est parce qu’il a été bien entraîné...», n’a pas manqué de souligner son ancien professeur, avec beaucoup de fierté.
Une roue qui tourne
En 1992, lorsque le CH a jeté son dévolu sur Wilkie au premier tour, 20e au total, il préférait encore un proverbial bœuf de l’Ouest à un Québécois, et l’annonce avait même déclenché des huées au Forum de Montréal.
Ce n’est probablement pas à la ligne bleue des Canadiens que Wilkie aura eu son plus grand impact au sein de l’organisation, mais plutôt en participant des années plus tard au développement d’un gardien fort prometteur.
Et tout ça a commencé en tirant sur les jambières de Roy... quel coup du sort!
«Ils appelaient ça “goalie school”, s’est remémoré Wilkie. Je tirais sur Patrick et j’écoutais François Allaire. C’est là que j’ai commencé à porter davantage attention aux gardiens de but. J’ai commencé à les étudier, à poser beaucoup de questions. Ça s’est poursuivi quand je suis devenu entraîneur.
«Tu apprends... je ne sais pas comment l’expliquer. Certaines personnes ont juste l’œil. J’ai trouvé le tour pour repérer et développer des gardiens de but.»
Son petit dernier? Michal Hrabal, qui vient de mener la Tchéquie à la conquête de la médaille de bronze au Championnat mondial junior.
«J’avais effectué un échange pour l’obtenir avec les Lancers [en août 2022]. Je l’avais observé au Hlinka-Gretzky contre le Canada. Il avait été incroyable. Dubuque l’avait repêché dans la USHL, mais n’avait pas de place pour lui dans sa formation. Je m’étais dit qu’il fallait que j’aille le chercher.»
Il faut croire que Wilkie a un faible pour les géants tchèques.
«Les grands minces ont un avantage dans la LNH. Ils couvrent une plus grosse portion du filet.»
C’est pourquoi dans quelques années, il voit Dobes au sommet, et ce, même si la compétition s’annonce féroce avec Samuel Montembeault et Fowler.
«He’s the real deal.»