Les sondages prédisent que le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre pourrait devenir le prochain premier ministre du Canada. Pourtant, une aura de mystère plane encore sur lui, même s’il siège à la Chambre des communes depuis 20 ans. Le Journal s’est rendu dans la province qui l’a vu grandir, l’Alberta, dans sa circonscription rurale d’Ottawa, et parlé à de nombreux ex-collaborateurs pour tenter de percer l’énigme Poilievre.
MANOTICK | Pierre Poilievre est député d’une circonscription à la fois rurale et cossue d’Ottawa depuis maintenant 20 ans. Ses électeurs rencontrés par Le Journal vantent son écoute et sa disponibilité, mais ses flirts avec des extrémistes en irritent plusieurs.
«Quand il venait sur ma chaise pour une coupe de cheveux, il me demandait ce que je pensais du Parlement et de ce que le gouvernement devrait faire», relate Gino Romano, barbier à Manotick depuis 30 ans.
À l’écoute, terre-à-terre, facile d’approche, sont des compliments qui reviennent souvent dans la bouche des électeurs de Nepean pour décrire leur député.
«Il parle de la politique d’une façon qui est simple à comprendre et il veut vraiment améliorer notre qualité de vie», tranche Stacy Yea sur la terrasse d’un restaurant, même si elle est incapable d’expliquer quelles mesures l’aideraient.
La hausse du coût de la vie est cependant sur plusieurs lèvres.
«C’est le seul politicien que je suis sur les réseaux sociaux [...] Il a l’air vrai», dit Danica Myers, barista dans un café. À 20 ans et à l’aube de se marier, elle craint de ne pas pouvoir s’acheter de maison à un prix abordable.
Il a changé
Mais quelques voix discordantes résonnent. Comme celle de Rohan Singh, propriétaire d’une boutique de cannabis, qui a même déjà travaillé pour Pierre Poilievre.
«Il a perdu mon soutien quand il a donné des beignes aux manifestants du convoi de la liberté [en février 2022]», explique-t-il, ajoutant que les flirts du député avec des groupes d’extrême droite l’inquiètent.
«On voit qu’il a changé son image, son look», remarque Scott Mulligan. «Il est toujours dans les attaques, toujours négatif, ça ne m’inspire pas confiance», renchérit son collègue Jean-François Larente, attablé à ses côtés.
À son bureau de circonscription de Manotick, un employé confie que près de 80% des demandes des électeurs concernent l’immigration. C’est de loin l’enjeu principal dans la région rurale, dépassant les demandes d’aide pour obtenir du chômage, car «l’économie va bien», nous dit-on... pas tout à fait ce que martèle le chef conservateur.
Des champignons contre la taxe sur le carbone
Dans sa lutte contre la taxe du carbone, Pierre Poilievre compte sur un allié étonnant... un électeur qui fait pousser des champignons. Depuis 40 ans, la famille Medeiros cultive les champignons dans une vaste usine au gaz naturel en banlieue d’Ottawa. L’an dernier, Mike Medeiros a récolté environ 5 millions de kilogrammes, mais il dit aussi avoir payé près de 200 000 $ pour la taxe du carbone, ce qui gruge ses profits.
À plusieurs reprises, Pierre Poilievre a évoqué son cas personnel à la Chambre des communes. «Il m’a toujours aidé à travers les années et j’ai toujours cru que les babines suivaient les bottines», dit-il.
Vaillant au gym
Pierre Poilievre côtoie des vedettes de Ligue nationale de hockey lorsqu’il s’entraine au gym de son coach et ami Tony Greco.
«C’est l’homme le plus intelligent et le plus travaillant que je connaisse», dit-il, ne lésinant pas sur les superlatifs.
Entre deux espressos, M. Greco souligne que Pierre Poilievre suit sans broncher le même rythme que des joueurs élites des Sénateurs d’Ottawa, aussi clients de son gym cossu à Manotick.
Le politicien est notamment capable de soulever une kettlebellde 80 livres à une main, «ce qui est très difficile», vante l’entraineur.
De la politique pour souper
Attablé à un bar de Manotick, Christopher Napion affirme qu’il est le maire «non officiel» de la petite ville. L’homme d’affaires assure qu’il est un bon ami de Pierre Poilievre, l’ayant aidé à se faire élire et l’ayant reçu à souper quelques fois.
«Il mange, boit et respire de la politique», résume-t-il à propos de leurs discussions à table.
Il a réparé sa voiture
Le mécanicien de Manotick, Jason Wetzstein, a rencontré son député lorsqu’il est arrivé à son garage avec un problème de roulement de roue. Selon son souvenir, il conduisait une voiture Infinity G35. «Je n’oublie jamais une voiture», dit l'électeur qui compte voter pour lui aux prochaines élections.