Donald Trump, l’anguille qui échappe à la justice

Si on ne parlait pas de Trump, je dirais que cet homme mène une bonne vie. Ses procès criminels ont tous été suspendus ou reportés au-delà de l’élection présidentielle du 5 novembre. Et même la sentence dans le seul procès où il a été trouvé coupable ne tombera pas avant que les électeurs ne se soient prononcés. 

Il y a un paradoxe ahurissant dans la décision du juge Juan Merchan de reporter au 26 novembre la sentence qu’il devait annoncer dans une dizaine de jours. Cette sentence doit punir Donald Trump pour avoir acheté le silence de Stormy Daniels, une actrice de films pornos, afin de préserver sa réputation auprès des électeurs à la veille de l’élection de 2016.

Le juge Merchan évoque dans sa décision une volonté de protéger les intérêts de la justice. Ainsi, pour sauvegarder sa crédibilité, la justice américaine s’incline devant un homme qui, tout au long de sa vie, n’a fait qu’abuser d’elle.

Justice déculottée

Les appels à répétition, les poursuites bidon, les insultes envers les juges, les pressions à l’égard de son ministre de la Justice: la vie de Trump – de promoteur immobilier à président des États-Unis – est une longue démonstration de mépris envers le système judiciaire. Pourtant, c’est ce même système qui lui donne une nouvelle chance, les électeurs restant dans l’ignorance quant à savoir si le candidat républicain finira, un jour, en prison.

Impossible de définir l’impact qu’aurait eu la sentence si elle était tombée le 18 septembre, un mois et demi avant le scrutin. Une condamnation à une amende financière, voire à un éventuel séjour derrière les barreaux aurait possiblement incité certains électeurs à réfléchir à l’idée d’envoyer à la Maison-Blanche un hors-la-loi complet.

Trump étant Trump toutefois, la honte ne lui collant pas à la peau, une sentence, même embarrassante, aurait pu devenir l’étincelle pour ranimer une campagne amollie depuis le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris. Le martyre politique qu’il se plaint d’être se serait lamenté jusqu’aux bureaux de vote.

Pas facile à comprendre

On ne peut toutefois pas reprocher à Donald Trump de ne pas se faire voir et entendre.

Il s’est promené cette semaine du podcast d’un influenceur connu à la tribune de l’Economic Club de New York, en passant par un town hall sur les ondes de FOX News.

La chaîne conservatrice ne manque d’ailleurs jamais de souligner la différence dans la disponibilité des candidats, Trump et Vance ayant accordé, selon ses calculs, une quarantaine d’interviews au cours des quatre dernières semaines contre une seule pour le tandem Harris-Walz.

L’ennui, c’est que Trump ne s’est pas discipliné au fil des ans. Il est resté le même politicien hargneux de ses premiers débats pour l’investiture républicaine en 2016, peu importe qui il a eu à affronter depuis Hillary Clinton jusqu’à Kamala Harris.

On le laisse parler?

Mais ce n’est pas parce qu’il multiplie ses présences devant les micros qu’il est plus structuré... Récemment, j’expliquais à mes téléspectateurs la nécessité – pour nous, journalistes – de filtrer, de rendre cohérent ce que Trump raconte, au risque devenir nous-mêmes incompréhensibles.

On me l’a reproché, réclamant que je laisse «Trump être Trump». Quel défi... Prenez le discours qu’il a prononcé à Johnstown, en Pennsylvanie, le 30 août.

Un sermon d’une heure et demie, fait d'insultes, de divagations et de contradictions.

Il y est allé d’une routinière tirade sur les migrants qui arrivent à la frontière mexicaine et qui sont, répète-t-il chaque fois, des criminels, des meurtriers et des trafiquants de drogue.

Puis, il annonce que «22 personnes ont été “déposées” dans le pays».

«D’où venez-vous? enchaîne-t-il.

– Du Congo.

– Et où au Congo?

– De prison.

– Qu’aviez-vous fait?

– On ne vous le dit pas.» 

Sérieusement? Des Congolais voulant entrer aux États-Unis et donnant comme lieu d’origine... la prison? Évoquer tout ça sans mettre un peu de contexte? Risible et ridicule.